C’est au petit matin d’un jour de mai qu’arrive dans ma boîte mail un courrier de PensionStat. D’allure austère, celui-ci détaille plusieurs actualités, toutes liées aux pensions belges – sujet houleux s’il en est. Parmi celles-ci, l’une d’entre elles me fait hausser un sourcil. Le nombre de personnes bénéficiant de pensions minimums a augmenté de 38,5% entre janvier 2019 et janvier 2023, soit une augmentation moyenne de 9,62% par an. Comment l’expliquer ?
Patience. Il nous faut d’abord effectuer une petite mise en contexte. Qu’est-ce que la pension minimum garantie ? Il s’agit d’un montant minimum garanti de pension à laquelle a droit toute personne répondant à plusieurs conditions de carrière détaillées sur le site du Service Fédéral des Pensions. Comme le détaille le SPF Pensions, “pour une personne ayant une carrière complète de 45 ans, le minimum garanti pour une pension de retraite calculée au taux isolé est actuellement (mars 2024) de 1.738,54 € bruts par mois”. Mais attention, les fonctionnaires ont droit à un “système de pension minimum qui diffère de ceux des régimes des salariés et des indépendants tant au niveau des conditions d'accès que du calcul”. Notre article ne prend donc en compte que les chiffres salariés et les indépendants, sauf pour ce qui concerne le nombre total de pensionnés belges (en ce compris le nombre total de titulaires de la pension minimum).
- Parmi les 2.346.654 personnes pensionnées belges, on compte 905.300 titulaires de la pension minimum, soit 38,6% ;
- 58% des personnes qui reçoivent une pension minimum sont des femmes, alors qu’elles représentent 52% des pensionnés ;
- En janvier 2023, un pensionné ayant une pension minimum recevait un revenu de pension légale de 1.574 euros en moyenne ;
- Les montants de pension sont nettement inférieurs pour les pensionnés qui vivent à l’étranger et pour les personnes n’ayant pas la nationalité belge ;
- Entre 2019 et 2023, les dépenses annuelles pour les pensions des pensionnés recevant une pension minimum ont augmenté de 81 %. En ce qui concerne les pensionnés qui ne reçoivent pas de pension minimum, cette augmentation n’est que de 23 % ;
Ainsi, entre début 2019 et novembre 2023, la pension minimum garantie (dans les régimes des travailleurs salariés et des indépendants pour les personnes ayant une carrière complète de 45 ans) a augmenté de 35,8%.
Très bien, mais cela n’explique pas entièrement l’augmentation brutale des pensionnés ayant droit à la pension minimum garantie. Le SPF Pensions ajoute que “de plus en plus de personnes ont un montant de pension qui, en fonction de leur carrière, est inférieur au montant de la pension minimum garantie, et voient par conséquent leur montant augmenter jusqu'au montant de la pension minimum garantie, toujours en fonction de la durée de leur carrière”. Ce faisant, de plus en plus de personnes avec de petites pensions sont tombées sous le régime de la pension minimum garantie.
Soit. Abordons à présent la question des coûts. Jean Hindriks, éminent professeur d’économie et chercheur à l’UCLouvain, expliquait en 2019 que “lorsque nous analysons l’augmentation des dépenses annuelles depuis 2007, nous constatons une croissance de 14,6 milliards depuis 2007 (soit une augmentation de 75 %). Cependant, nous remarquons que 51 p.p. (points de pourcentage) sont attribuables à l’augmentation de la pension moyenne, 15 p.p. sont dues à la hausse du nombre de pensionnés, et le solde (9 p.p.) résulte du produit des deux. Concrètement, cela signifie que presque 11 milliards sont attribuables à la revalorisation des pensions tandis que 3,6 milliards sont imputables au vieillissement” (Hindriks & Baurin, 2019). Depuis lors, rien n’a été fait pour réformer globalement le système des pensions, une question pourtant très urgente.
La solution ? Elle résiderait en partie dans une indexation dynamique basée sur un coefficient de revalorisation fixé chaque année, sans toucher aux droits déjà acquis. En outre, dans ce modèle, les hautes pensions percevraient une indexation moindre (voire nulle), et les petites pensions recevraient une indexation plus importante. Il faut alors se préoccuper de l’équité d’un tel modèle, pour éviter que les petites pensions finissent par rattraper les plus élevées. Un bon équilibre est à trouver.
Note : Attention, cette pension minimum garantie ne doit pas être confondue avec la Garantie de Revenu aux Personnes Âgées (GRAPA), qui n’est pas une pension de retraite mais une aide sociale! Concrètement, cette aide sociale permet aux personnes ayant des ressources inférieures au seuil de la GRAPA (1549,42€ mensuels bruts pour les isolés ; 1032,95€ mensuels bruts pour les cohabitants, au 01.05.2024) de recevoir un complément ou une allocation complète, sous réserve de satisfaire à certaines conditions, et de respecter certaines obligations.
Bibliographie :